photo Michel Monteaux©

Le terrorisme est toujours réactionnaire

 Le Collectif Malgré tout est un groupe de personnes de nationalités, de pratiques et d’horizons différents, « né, au milieu des années 80, du désir libertaire d’articuler la prise en compte de la complexité du réel avec des pratiques d’émancipation concrètes ». Il partage ici sa réflexion au lendemain des actes terroristes du Hamas le 7 octobre en Israël.

• Le terrorisme est toujours réactionnaire parce qu’il utilise des vies humaines comme monnaie d’échange dans la pire des positions qu’on peut trouver : « la fin justifie les moyens ». Au contraire, il n’y a aucune séparation idéaliste et métaphysique : la fin est toujours dans chaque moyen, et aucune barbarie dans le présent n’est justifiée au nom d’un résultat futur ou d’un « bien majeur ». La vie se passe aujourd’hui. Toute résistance se condamne et trahit ses idéaux si elle tombe dans la déviance terroriste.

• Nous sommes écœurés d’entendre parler de la politique d’extrême-droite du gouvernement israélien pour justifier le massacre terroriste. Est-ce que quelqu’un aurait évoqué la politique du gouvernement français pour justifier les attentats du Bataclan ? Est-ce que quelqu’un aurait supporté que, pour justifier la barbarie qui se passait à Paris, on ait parlé du colonialisme français ? Comprendre une histoire d’oppression et de colonialisme, la condamner et se battre contre les formes de colonialisme actuel ne signifie jamais justifier de tels actes. Ceux qui invoquent l’extrême droite du gouvernement israélien, doivent être clairs : pensent-ils que l’élection de Marine Le Pen en France ou de Meloni en Italie justifierait les attaques terroristes de minorités opprimées contre les civils dans la rue ?

• Si ce n’est pas le gouvernement d’extrême-droite, c’est, pour certains, l’illégitimité même de l’État israélien qui fournit la justification du massacre auquel nous avons assisté. Il faut alors rappeler qu’à peu près 90% des États dans le monde ont été fondés sur des injustices, sur l’écrasement de peuples entiers et de la diversité, sur le colonialisme. Nous, comme Collectif Malgré Tout, particulièrement implanté en Amérique Latine, comprenons cela mieux que beaucoup d’autres. Quelle nation est née de la justice, de l’équité, de l’amour ? Or, jamais aucune organisation des pueblos originarios (peuples indigènes , ndlr) aurait l’idée de mettre des bombes dans des discothèques, d’aller dans un rave party en voiture militaire pour bloquer les sorties de secours et partir à la chasse de jeunes qui dansent pour les tuer un par un (certains, en les torturant avant, comme le montrent les signes retrouvés sur les corps de plus de 260 jeunes dans la zone de la fête), de brûler les maisons avec des familles entières à l’intérieur (comme ça s’est passé dans les kibboutzim attaqués), de mitrailler des civils dans la rue, pour « combattre la colonisation ». Car les pueblos originarios ont compris qu’il n’y a pas de « bonne barbarie », contrairement à certains militants de la gauche française qui, dans les années ’70, ont préféré Pol Pot à Nixon.

• Enfin, nous qui ne sommes pas des "blancs-becs de bibliothèque", qui avons parmi nous des anciens combattants ayant pris les armes contre la dictature, jamais nous n’aurions pensé que, pour s’opposer à la dictature militaire, soit-elle argentine ou chilienne, il aurait fallu exterminer des civils. Alors entendre parler d’actes de « résistance » glorieuse, lire les communiqués des certains universitaires parisiens incitant à la lutte armée « par tous ses moyens », donc aussi terroristes, depuis leur poste universitaire, est d'un effet tout à la fois tragique et comique. Il n’y a pas de résistance dans le terrorisme barbare.

• L’idéologie est un mécanisme pervers dans lequel les réponses précèdent les questions. Aujourd’hui, on se trouve face à une déferlante idéologique dans laquelle certaines personnes refusent de voir les faits concrètement et préfèrent se réfugier derrière leur dogme. Ils n’ont pas pris le temps de connaître les faits, qu’ils avaient déjà la réponse qui leur permettait de conserver leur division du monde entre « méchants » et « gentils ». A l’époque de la complexité, ceci est un vrai problème.

Miguel Benasayag, Teodoro Cohen (Collectif Malgré Tout), le 9 octobre 2023

 

 

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